Le secret de l’UX qui détériore des applications
Le secret de l’UX qui détériore des applicationsL'attente comme élément de réassurance
Un robot amical m’accueille sur Facebook. Il est habillé comme un docteur, stéthoscope à la main, pour s’assurer que la sécurité de mon compte est optimale. Et donc, pour les 5 à 10 secondes à venir, j’attends pendant qu’il ausculte mon compte. Je me dis : “Il prend vraiment soin de moi !”. Puis je commence à me demander : "Est-ce que les serveurs de Facebook sont aussi lents ?"
Pour faire court, la réponse est non. Facebook ralentit son interface pour que les utilisateurs se sentent en confiance. Un porte-parole de Facebook a confirmé dans un email.
“Pendant que nos systèmes sont en train d’effectuer ces vérifications plus rapidement qu’un utilisateur pourrait le voir. C’est important qu’ils comprennent ce que nous faisons en réalité pour protéger leur compte Facebook.”
a expliqué le porte-parole.
“L’UX peut être un moyen d’apprentissage très puissant et ralentir le processus pour apporter une meilleure explication et une opportunité pour comprendre chaque étape.”
Sur la moitié des utilisateurs de Facebook, la moitié passe 5 secondes à attendre cette vérification, soit 694 444 heures, 28 935 jours accumulés de temps perdu. Mais Facebook n’est pas la seule. Les sites web et les applications ne prennent maintenant que quelques millisecondes pour échanger avec leurs serveurs. Mais un processus trop rapide peut rendre les utilisateurs méfiants ou même confus. C’est pourquoi certaines entreprises conçoivent des interfaces plus lentes. Wells Fargo admet ralentir ses applications de scanner rétinien, parce que les clients ne réalisent pas comment cela fonctionne en temps normal. De nombreux services sur le web comme des sites de tourisme, d’emprunt en ligne ou de sécurité font en sorte de ralentir leur processus car le cerveau humain s’attend à ce que ce soit plus long.
“Disons que vous êtes assis dans un restaurant, vous commandez votre plat et il arrive une minute plus tard. C’est une bonne chose ?”
demande Braden Kowitz, design partner chez Google Ventures (qui s’occupe de plus de 250 entreprises comme Uber, Slack et Nest).
“Vous commencez à vous demander ce qu’il se passe dans cette cuisine.”
De l'attente artificielle dans les interfaces
Les entreprises vont alors insérer, ce que Kowitz appelle de “l’attente artificielle” dans leurs interfaces. Elle peut se manifester sous différentes formes : une barre de chargement ou encore des messages qui construisent une impression de lenteur, d’un travail difficile, fastidieux pour que l’ordinateur puisse calculer votre demande.
Kowitz dit qu’il a seulement utilisé l’attente artificielle quelques fois durant des design sprints qu’il dirige chez Google Ventures. Il a seulement utilisé cette solution lorsque des résultats instantanés ne fonctionnaient pas. Par exemple, il a travaillé sur une application d’approbation de prêt. Le back end était vraiment rapide à tel point qu’il pouvait transformer n’importe qui en véritable créancier. Mais lorsque l’application s’est retrouvée dans les mains des utilisateurs, ils se sont montrés très méfiants. Lorsqu'ils l’ont vu, ils disaient "Je suis préapprouvé mais pas vraiment approuvé”. Les designers ont alors ajouté une barre de progression qui indiquait que la vérification du crédit était en cours, puis soudainement, le système devient plus fiable.
De même, Steven Hoober, président de 4ourth Mobile, développait une solution permettant de comparer les forfaits des opérateurs mobiles et proposer à l’utilisateur le plus pertinent en fonction de ses usages. “Mes employés ont conçu cet outil qui prend quelques millisecondes pour renvoyer le résultat. On obtient des résultats précis et pas des forfaits qu’on veut absolument vendre aux utilisateurs. Mais quand on a testé avec des utilisateurs, ils ont supposé que c’était un outil bullshit marketing car c’est instantané. Ils ont par exemple dit "Ce sont des offres en carton, je préfère choisir moi-même mon forfait mobile"”.
C’est pourquoi Hoober a ajouté une animation pour simuler la génération des résultats. Le fonctionnement de l’algorithme reste le même, mais les résultats mettent un certain temps avant de s’afficher : entre 8 et 30 secondes. Le seul indicateur visuel est une barre de chargement. Est-ce que les utilisateurs ont été agacés par cette fonctionnalité durant un focus group ? Est-ce qu’ils ont trouvé que cette solution ne fonctionne pas ? À vrai dire, c’est l’opposé…
“Les utilisateurs se demandaient ce qu’il se passait lors du chargement. Les résultats de la recherche s’affichaient et ils se penchaient sur l’écran en supposant que l’ordinateur avait dû vraiment fournir beaucoup d’effort pour obtenir cette information !”
100% de ces testeurs ont fait confiance à ce nouvel outil, alors que le seul changement était le temps de chargement pour avoir accès à cette information.
Même si cela semble complètement paradoxal, quand l’attente est utilisée convenablement, les consommateurs préfèrent l’expérience utilisateur avec ces “petits mensonges” qui prennent leur temps. En 2011, une équipe de chercheurs d’Harvard ont nommé ce phénomène, “le travail imaginaire”. Ils ont fait des faux sites de voyage et de rencontres pour tester la manière dont l’attente impacte la réaction des utilisateurs. Ils ont découvert que les utilisateurs préfèrent les résultats qui ont demandé un peu de temps par rapport à ceux qui étaient obtenus instantanément. Ces utilisateurs pensent que l’interface fait preuve de transparence car le système met du temps à “comparer les vols”, alors que ceci est fait en quelques millisecondes.
Il faut cependant préciser qu’il y a une limite sur l’attente. Cette recherche explique que les utilisateurs étaient prêts à attendre jusqu’à 30 secondes sur des sites de voyages, mais seulement 15 secondes sur des sites de rencontres avant qu’ils commencent à réagir négativement.
“Il doit y avoir de nombreuses raisons pour expliquer cette différence (les utilisateurs sont plus impatients pour trouver un partenaire que pour trouver un vol par exemple), nous pensons qu’un facteur critique est l’attente des utilisateurs.”
Les utilisateurs s’attendent à ce qu’un algorithme de rencontre puisse retourner plus rapidement un résultat qu’un algorithme de voyage ? Est-ce que ces attentes ont été décelées dans des études précédentes ? Il est fort possible.
Mais c’est l’objectif. Ce sont nos attentes qui définissent notre expérience du monde, tout comme nos interactions avec nos machines. “Si nous ne respectons pas les attentes des utilisateurs, l’interface ne fonctionne pas. Cela peut arriver si Internet n’évolue pas assez vite. Dans certaines situations, cela peut également arriver si l’interface évolue trop rapidement” dit Kowitz.
Conclusion
De cette manière, Kowitz pense que les barres de chargement ou encore les tutoriels sont encore trop perçus comme des fautes dans l’industrie de l’UX Design. Si quelqu’un s’attend à ce que le processus soit long, lui fournir des réponses immédiates n’est pas forcément une bonne chose. Tout comme un steak qui arriverait dans votre assiette alors que vous vous êtes assis dans ce restaurant il y a seulement une minute.
“Je suppose qu’au fur et à mesure, nos attentes vont évoluer. C’est une de ces choses où la technologie doit s’adapter aux attentes des utilisateurs, et où nous devons trouver le juste milieu.”
Article librement traduit depuis : https://www.fastcodesign.com/3061519/the-ux-secret-that-will-ruin-apps-for-you