Si nous définissons le "meilleur choix" comme étant celui le plus sain pour le bien-être des utilisateurs, devrions-nous, en tant que designers, forcer les utilisateurs dans ce que nous savons/pensons être la meilleure décision pour eux ?

Par exemple :

  • Netflix devrait-il désactiver temporairement ses services pour les utilisateurs qui regardent leur écran à l'excès car ils connaissent les effets négatifs que cela peut engendrer ?
  • Apple devrait-il forcer les utilisateurs à utiliser Nightshift pendant les heures de sommeil, car la lumière bleue émise par les smartphones affecte la qualité du sommeil des utilisateurs ?
  • Une application de pizza ne devrait-elle pas permettre aux utilisateurs de compléter leur commande uniquement si une garniture qualifiée de saine comme les épinards ou la salade est présente sur leur pizza ?

La réponse à toutes ces questions est non, nous ne devrions pas. Bien que ces options puissent constituer les "meilleures" décisions à prendre pour les utilisateurs, de nombreux services peuvent ne pas être adoptés à cause de telles stratégies, car les utilisateurs n’aiment généralement pas qu'on leur dise quoi faire (évidemment).

En fait, les utilisateurs et les intervenants sur le service ne choisissent pas forcément les "meilleures" options car ils sont généralement mal informés sur le problème que le service tente de résoudre. Malgré cela, ils pensent toujours qu’ils font les bons choix... et c'est d'ailleurs pourquoi ils les font.

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Notre responsabilité est d'être plus créatif

S'appuyant sur une étude bien établie (en) en économie comportementale et en psychologie cognitive, nous savons que les individus prennent souvent de mauvaises décisions qui impactent leur bonheur et leur bien-être tout le temps. Cependant, ces décisions changeraient probablement s'ils avaient des informations complètes sur le sujet.

Cela est vrai dans de nombreux domaines car les gens manquent de références stables, claires ou correctement ordonnées. Les choix médiocres qu’ils font sont les effets de bords du manque de cadrage du projet ou des choix par défaut que nous avons pris lors de la conception d'un produit ou d'un service.

Les utilisateurs n'ont aucun moyen de savoir ce qui est mieux pour eux et nous non plu. Ils n'ont pas mené de recherches approfondies sur nos produits ou services et ils ne comprennent pas aussi bien que nous le problème fondamental que nous cherchons résoudre.

Nous ne pouvons donc pas leur en vouloir d'avoir un mauvais jugement lors de l'utilisation d'un système que nous concevons, mais c'est plutôt de notre faute si nous avons conçu ces systèmes sans prendre en compte les utilisateurs finaux.

Nous, les designers, sommes responsables de l'aide que nous leur apportons afin qu'ils prennent la meilleure décision.

Cela étant dit, forcer les utilisateurs à réaliser certaines actions ou les obliger à utiliser un certain processus n'est pas une solution. Nous pouvons faire mieux que ça ! En tant que designers, il est de notre devoir de trouver des moyens d’orienter les utilisateurs dans la bonne direction plutôt que de simplement les contraindre et donc potentiellement les freiner, et dans le pire des cas, les bloquer.

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Les coups de pouce invisibles (le nudge)

Introduisons ici le concept de Paternalisme libertarien (ou libertaire) (EN). Il s'agit d'une approche selon laquelle il est concevable et légitime qu'une institution (au sens large) puisse affecter les comportements sur les décisions tout en respectant la liberté de choix des utilisateurs.

Voici un scénario simple pour illustrer l'idée :

Chaque jour, une cafétéria dans un lycée prend de multiples décisions, notamment sur les aliments à cuisiner, les ingrédients à utiliser et la présentation des plats.

Une des remarques du directeur est que les étudiants ont tendance à choisir plus de plats lorsqu'ils sont présentés plus en avant sur le self. Avec cette information, le responsable de la cafétéria doit maintenant décider de l'ordre dans lequel les plats seront présentés.

Certaines stratégies sont les suivantes :

  1. Proposer les articles dans un ordre aléatoire.
  2. Mettre les plats les plus sains au début du self.
  3. Proposer les plats les moins sains au début du self.
  4. Limiter le choix des étudiants à des plats sains uniquement (et donc limiter leur liberté de choix).

En examinant ce scénario depuis le prisme du paternalisme libertarien, nous pouvons facilement déduire que l'option 2 est la meilleure car elle donne aux étudiants le choix de manger ce qu'ils veulent, mais nous les poussons dans la bonne direction pour faire le meilleur choix, c'est à dire un plat plus sain.

Voici d'autres exemples liés à des services plus communs :

  • Apple pourrait proposer par défaut le Nightshift depuis le coucher au lever du soleil tout en permettant aux utilisateur de désactiver ou de modifier les paramètres de cette option.
  • Une application permettant de commander des pizzas en ligne pourrait présenter les pizzas aux légumes avant les pizzas à la viande ou moins bénéfiques pour la santé.

Conclusion

Le paternalisme libertaire est donc l'idée de pousser les utilisateurs dans la bonne direction sans les forcer à choisir des options. Il s'agit là d'un aspect fondamental du design et que nous devrions tous prendre en compte lorsque nous tentons de résoudre de nouveaux problèmes.

En tant que designer, notre rôle consiste à réfléchir à des moyens plus créatifs pour inciter les utilisateurs à faire les meilleurs choix sans même y penser à deux fois. Nous pouvons faire mieux pour que nos utilisateurs puissent être meilleurs !


Librement traduit de l'article How to help users make better choices - Icône decision by Adrien Coquet from the Noun Project

Publié par : - Classé dans : UI / UX (Design & Conception)